Aedis frissonna en regardant l'orée de la forêt se profiler devant elle. Si on lui avait qu'elle reviendrait aussi tôt ici, elle aurait ricané en traitant l'imbécile en face... D'imbécile.
Mais elle était là, avec un groupe aussi, sinon plus hétéroclite que la fois précédente. Elle en aurait grogné de dépit si Malkar n'avait pas été là ; à vrai dire, si Malkar n'avait pas été là, elle aurait simplement fait demi-tour : elle n'aimait pas du tout Forêstrange, l'atmosphère était bien trop malsaine.
Devant eux, un petit chemin... La demoiselle se retourna, et s'adressa au groupe :


-Donc, le but, c'est de trouver une péquenaude à la peau sombre, qui bois à un cours d'eau ? Avec un pendentif ? On entre là et on cherche, ou on fait quelque chose de plus précis ? Je précise qu'hurler ou l'appeler, une fois là-dedans, c'est pas une bonne idée. Juste pour être sûre que vous soyez au courant.

Il y avait dans le tas quelques jeunes gens apparemment peu habitués à l'aventure...

HRP:

Dans les profondeurs de sa caverne, une imposante créature aux crocs saillants, à la musculature de brute et à l'haleine mortelle... Rota. Du moins le chevreuil qu'elle avait traîné là était déjà mort. C'est ce que laissait penser son échine brisée, ses entrailles déversées sur la pierre et la puissance patte arrière que lui avait arraché J'Urumkachgror pour mieux la ronger avec toute la vénération qu'un troll a pour la nourriture. D'autant plus quand la nourriture lui a échappé pendant deux jours.

La malédiction lui pesait jusque dans ses chasses. Ainsi devait-il courser le grand herbivore sans gueuler, sans frapper violemment un gros morceau de bois sur un arbre bien vivant pour faire peur, sans même se lécher d'avance ses grossières lèvres à l'idée du festin. Il devait refréner ses pulsions de grand mangeur pour ne pas devenir une frêle et stupide créature incapable de bouger le petit orteil sans hurler devant un brin d'herbe. Autant dire qu'il avait connu nombre d'échecs, d'où que le cerf n'ait eu qu'à faire quelques bonds à chaque fois que le troll manquait le croquer. Mais du moins la grande créature avait appris la technique de "je suis une vierge effarouchée qui court viiiiite !". Ainsi, même s'il se transformait, il continuait d'avancer en hurlant de terreur vers sa proie. Deux jours de ce rythme et le cervidé avait eu un coup de chaud.

Et J'Urum lui avait tordu le coup avec toute la maîtrise dont il pouvait faire preuve. Avant de passer les deux heures suivantes à pleurnicher et sangloter devant le regard vide et la colonne vertébrale apparente.

Trainer la carcasse avait été une partie de plaisir en comparaison, et le troll pouvait enfin savourer un casse-croûte bien mérité... Sauf que, ses dents se plantant dans la chair musculeuse de la patte arrière, il entendit venir. Fortement embêté à l'idée que quelqu'un vienne lui disputer sa caverne AVEC son cerf mort dedans, le grand troll bougea la masse de son corps en grommelant, pour mieux sortir à la lumière, piétinant les restes d'un raton laveur (un après-midi), une baudroie (quelques minutes, une mâchoire broyée ça ne se soigne pas, le troll était encore trop surpris pour s'énerver) et un houifi (quelques heures, même si le troll l'avait ramené sans comprendre comment le manger).

Et une pelletée d'aventuriers se proposaient pour agrémenter sa "collection". Cinq humains, dont quatre maigrichons, et une boule de poils. Lui faudra éplucher le plus grand des larrons.

Mais le troll se ravisa alors que ses lèvres se retroussaient pour mieux faire voir ses crocs dégoulinant de salive - il était en train de manger aussi - alors que l'envie de charger en beuglant montait. Mauvais plan. Malédiction. Aussi pointa-t-il le groupe de l'un de ses gros doigts - Oh le malpoli ! -.

"Chluzur Kumba Doch !" grommela-t-il.

Cela dit, il tenait toujours son gros gigot de cerf qu'il leur agita donc à la figure. Après quoi il gratta son front massif. Leur causer troll ne risquait pas d'être efficace. Il réalisa aussi qu'il avait toujours la papatte dans la main. La créature en arracha morceau, avant de la caler sur son épaule velue comme une massue. Avait la bonne taille, quoique un peu molle.

"Quoi *Splurch* vous *Splurch* vouloir ?" Questionna-t-il entre deux machouilles de la patte de cerf.

Aedis ne put que lever les yeux au ciel quand toute la maisonnée sursauta du fait d'un stupide oiseau. C'est du moins ce dont elle essayait de se persuader alors qu'elle avait elle-même posé la main au fourreau de son épée. Trop nerveuse ; elle allait finir par étriper l'un de ses camarades juste parce qu'il aurait eu la mauvaise idée de poser sa main sur l'épaule de la chevaleresse.Mais au final, tout ce régla rapidement, et elle finit de ranger son sac et d'aiguiser le fil de son épée avant d'aller dormir, non loin de Malkar. Elle ignorait quelle était vraiment la réaction à avoir face à lui, entouré de tous ces gens.

Le lendemain arriva bien trop vite à son goût, et ils durent se remettre en route sous le couvert des arbres menaçants de Forêstrange. Jamais elle n'aurait du les rejoindre ; elle détestait plus que cordialement cette fichue jungle. Bon, elle serait morte d'ennui chez elle, aussi. On ne peut guère avoir le beurre, l'argent du beurre, et la crémière. Pour le coup, elle avait l'aventure et ce qui lui tenait d'équivalent de crémière... Elle pouffa même, un peu solitaire, en imaginant le mage habillé comme une vulgaire fermière des Calmes-Plaines. Il fallait quelle se calme.  

Leur rencontre de la soirée était de taille. Aedis avait juste envie de basarder ce troll là où il convenait qu'il soit -six pieds sous terre-, mais il était gros pour elle toute seule. Et les autres... Dédaignant presque Aria du regard, elle ne fit qu'effleurer Antonio pour se pencher sur Malkar. Mouais. Pas assez, donc.
Eh puis... C'est qu'il parlait ! Aedis tenta de sourire, ce qui se transforma en un rictus crispé et vaguement carnassier... Quoiqu'elle ressentait juste une vague de manque de témérité.


- Juste un endroit pour dormir.

Qu'est-ce qu'un troll y entendait en quêtes ?

Une petite minute pour saisir ce que disait l'un (l'une ?) des humains maigrichons, après quoi les crocs sont à nouveau montrés alors qu'est pensé fortement un "C'EST MON MIEN" vis-à-vis de la caverne. Mais le cerveau d'un troll peut avoir de brusques éclairs de génie... Surtout en ce qui concerne la nourriture. Le voilà donc qui se gratte la narine gauche d'un gros doigt, avant de s'appuyer sur sa massue tandis que ses petits yeux jaunes ratissent le groupe.

"Vous dormir dans caverne." commence-t-il... Avant que ses épaisses lèvres ne s'étirent en un sourire carnassier. "Mais vous donner humain." propose le troll en montrant du doigt l'humanoïde qui trouvait très intéressant quelque chose par terre. Si c'était son propre pied, J'Urum l'en débarrasserait volontiers. "Et panier de pommes." ajoute-t-il, très content de son idée.

Le marchandage c'est bon pour la nourriture... ! Sauf quand ça lui permet d'en obtenir plus ! Une carcasse de cerf, un humain bien chaud et des pommes, il serait très content le mangeur. Et puis il n'avait pas dit qu'il quitterait la caverne pour la leur laisser...

HRP:

Globalement, l'ogre saisit moins d'un mot sur deux de ce que blablatèrent les deux humains. Si que le premier sorte son petit piquant (proportionnellement, ayant moins d'effet sur lui que ce qu'un pic d'un porc-épic sur un humain en aurait) tandis que sa boule de poils se préparait en vue d'une morsure qu'il pourrait ne même pas sentir, le second l'endormit presque. Tout juste s'il fit une mous déçue en comprenant (de justesse) que c'était un "non" catégorique pour son idée d'humain aux pommes. Le problème survint quand l'individu se mit à baratiner... Faisant sonner les sonnettes d'alarmes dans le crâne à peu de chose près vide du troll. Autant dire qu'elles se firent bien entendre.

MAGIE ! Ni une ni deux la grosse créature lança son gigot en direction du groupe avec un beuglement enragé (Un troll n'a jamais peur. Ceux croyant percevoir-là un hurlement horrifié à la perspective de subir encore une autre aberration de mage se fourvoient complètement.) avant de charger aussitôt... Au moment où une boule de feu lui chauffait la toison de l'aisselle. Fallait être fort et pas mal vicieux pour viser là.

*VOUF*

Deux secondes et une distorsion spatio-temporelle plus tard, il ne restait de la masse de muscles bourrine qu'une petite et féminine personne, dont le bout de la flamboyante chevelure brûlait à petit feu. Elle observa avec de grands yeux de biches émeraudes le groupe d'aventuriers... Avant que ne parvienne à son cerveau encore chamboulé par la magie l'odeur de roussi, la sensation de brûlure... Et la vision de quatre individus dangereux à s'évanouir sur le champ. Ce qu'elle ne fit pas.

Fut donc vue en Forêtstrange une ravissante donzelle parfaitement nue se mettre à pousser des cris stridents tout en agitant les bras dans ce qui pourrait être confondu avec une affreuse imitation de danse classique humaine, avant de se mettre à tourner en rond à toute allure tout en continuant de hurler d'épouvante.

Ca brûle ça brûle ça brûle ça brûleeeeee ! Etait donc sa prière de repentance auprès du grand dieu des feux de cheveux.

La prière n'avait guère d'effet, cela dit. Pouvait-on de toute manière vraiment attendre d'un troll qu'il prie correctement ? Non, il lui manquait l'éducation pour glisser un "Amen" en fin de phrase.

Aedis eut un air horrifié en entendant les mots du troll... Mais elle n'aurait sans doute pas osé lui envoyer une boule de feu au visage -même si elle en avait les capacités-. En soupirant, elle sortit son épée, s'attendant à devoir défendre sa peau et la vie des membres de son groupe. Grommelant sur la taille du bouzin, quelle ne fut pas sa surprise de voir une donzelle nue apparaître en lieu et place du troll.
Aedis paniqua, sans doute plus que de raison. Parce que la magie c'est mal, incompréhensible, que c'est de la triche et que c'est tolérable chez les alliés, et encore... Alors, chez un gros troll bien vilain, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle ait une réaction mesurée. Sans doute aurait-elle pu transpercer la jeune fille, si l'idée -lumineuse s'il en est- que c'était la véritable forme qui était douce ne lui traversa pas l'esprit. Qui lui assurait que c'était le troll l'original ?
S'avançant, toujours arme au poing, elle assomma la demoiselle d'un coup de pommeau bien placé, avant de la jeter au sol et d'éteindre le feu comme elle pouvait, mélange de gants, de sable et de baffes. Se tournant vers le groupe avec un petit sourire d'excuse, elle ouvrit la bouche :


- Je crois qu'on a trouvé un abri.

Dédaignant à présent la fille, toujours à terre -elle était vivante !- elle entra, toujours lame au clair. Le ranger avait l'air assez soucieux des demoiselles pour s'occuper d'elle. Si ça se trouvait, le troll-fille n'était pas seul ; Aedis n'avait pas beaucoup d'info sur les habitudes trollesques.

Aedis eut un mouvement de recul quand elle entra dans la caverne. Au vu de l'odeur... Soit c'était un troll qu'elle avait assommé auparavant ; soit c'était une véritable demoiselle et il y avait d'autres machins là-dedans. Inspirant profondément, elle prit son épée à la main droite, couvrant sa bouche de la gauche. Les trolls n'avaient-ils dont pas d'odorat ? A y réfléchir, il était certain qu'au bout de quelques jours là-dedans, le nez finissait par en prendre un coup : un peu comme quand on regarde le soleil trop longtemps.
Ça allait être difficile de se battre, dans ces conditions, et Aedis se félicita de ne rien croiser par la suite. Explorant la caverne, lentement, elle regretta de ne pas avoir de quoi faire du feu, histoire d'y voir un peu plus clair. Grimaçant en entendant des craquements secs alors qu'elle marchait sur des choses étranges, elle continua à avancer dans la pénombre. La caverne s'enfonçait profondément dans les ténèbres, mais semblait au final vide. Il y avait un embranchement, dont les deux bras se terminaient sur un cul de sac. Rien ne viendrait de là, si ce ne seraient quelques souris malicieuses... A moins qu'elles n'aient trop peur du troll.
L'odeur s'estompa, et la chevaleresse crut d'abord s'habituer aux effluves putrides de la grotte. Mais non, la vanille la détrompa, et, souriant, elle se douta que Malkar avait bidouillé quelque chose. Il était décidément plein de ressources, et toujours surprenant. Retournant vers la lumière, la demoiselle sourit en voyant la silhouette du mage.


- Merci beaucoup. Ca sera déjà bien plus vivable. Prenant la main de son ami, elle continua : Rien ne peut sortir de là-bas, c'est un cul-de-sac. On serra tranquille.

Se mettant sur la pointe des pieds, la bâtarde posa ses lèvres sur la commissure des lèvres du mage. Ca se profilait mieux que prévu, ces histoires.


- Et ils sont où, les deux autres ?

Un coup de pommeau et un feu capillaire plus tard, le troll métamorphosé gisait, étalé par terre dans toute sa (fausse) splendeur féminine. Du moins l'un des aventuriers eut la décence de le/la couvrir (après s'être rincé l’œil). Pendant que chacun vaquait à ses occupations - réveiller un crétin de ranger, apprécier le parfum "Puanteur de caverne de trolls", par Troll & cie -, il y avait donc une jeune femme au sol, bienheureusement silencieuse dans son inconscience. Ce qui ne pouvait durer, bien entendu.

Ainsi, après quelques minutes ses yeux aux iris verdoyants s'entrouvrirent... Et son esprit revint brutalement à la réalité ensorcelée. Tout est fait peur. Tout est potentiellement mortel. Tout donne manière à pousser de la voix... Tandis que J'Urum peste intérieurement devant son incapacité à donner des mandales à la volée. Donc, la belle créature se redresse d'un coup, toute échevelée et noircie, avec plein de poussières et de feuilles mortes dans les cheveux... Et se met à pleurer. D'une petite voix. Avec un regard terriblement craintif, faisant un 360° pour juger de sa situation.

Ainsi elle voit le ranger étalé et sa belle, ainsi que la méchante chevalière et le... Mage. Hop, bouche ouverte grand, et allumer le son ! FORT.

HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! crie avec terreur la fausse pucelle.